L'avis du vrai psy, par le Professeur Sallonger,
Expert-psychiatre honoraire près la Cour de Cassation

 

 

Le cas Erwan, l'avis d'un vrai Lacanien

Le cas Erwan nous ayant été soumis par notre sympathique mais inexpérimenté Confrère le docteur Danche, nous avons accepté de l'étudier en urgence, décalant d'autant nos patients en liste d'attente depuis six ans.  
Il faut voir là un simple geste désintéressé de notre part, les balbutiements de notre estimé Confrère nous mettant suffisamment à l'abri et pour un bon moment d'une éventuelle concurrence de sa part. 

Soumis à une grille d'analyse Lacanienne, ce pseudonyme d'Erwan nous apparaît immédiatement comme une anagramme maladroite de Norev, vraisemblablement élaborée par le sujet au cours de sa tentative de re-personnalisation.
Pseudonyme, car nous avons éliminé l'hypothèse que des parents sadiques auraient affublé l'intéressé de ce prénom ridicule, ce qui relèverait alors d'une cure plus approfondie, non obligatoirement accessible aux moyens du sujet, sauf à vendre sa collection, mais cette façon de mettre la charrue avant les boeufs n'est pas recommandée.

Pseudonyme, donc, transformant l'harmonieux Norev - les miens, les tiens, les nôtres - en un Narew qui nous interroge ici et maintenant. Cette dysharmonie lexicale qui tend à nous séparer - mes rêves, tes rêves, leurs rêves, mais jamais les nôtres -  révèle  chez le sujet une pulsion de mort encore très présente et non encore génitalisée. Détruire, dit-il. La collection vient ici comme un rempart contre le désordre intérieur menaçant l'intégrité du sujet, voire sa survie même.

La transformation du v final en double v est d'interprétation immédiate. Double v, pourquoi pas triple, ou quadruple ? Il s'agit du désir puéril de prolonger indéfiniment son nom en en multipliant la lettre finale (cf les cas bien étudiés Nicolasss et Carlaaaa), son nom donc son existence même, repousser la mort, sa mort, dans une attitude régressive de déni de la réalité.  Cette interprétation Lacanienne rejoint curieusement la glose Freudienne habituelle maladroitement rappelée par Danche dans son premier paragraphe. Le sujet est donc bien mené par sa pulsion de mort, celle des autres qui exclurait la sienne. Nous sommes bien dans une problématique de régression infantile, de tendance sadique anale.

Enfin, la transformation du o en a, passant du prévisible Norew au pathologique Narew est des plus signifiantes. Qu'est-ce qu'un "a" minuscule, sinon un "o"auquel on a rajouté une queue ?
Le sujet n'est pas du tout assuré de sa sexualité, encore indéfinie et provisoire. L'ajout de cette queue symbolique est une tentative maladroite d'accéder à un stade génital qui lui semble - à juste titre selon nous - inaccessible. La collection joue ici un double rôle, protection contre le regard des autres, les Grands Autres, qui, aveuglés par la collection, ne risquent plus d'apercevoir cette absence de queue, et en même temps tentative de remplacer ce Petit Absent par un Grand Phallus gigantesque, ainsi que l'atteste la photo de couverture où il est symboliquement enroulé en spirale sur un support. La comparaison de celui-ci avec un étron géant nous entraînerait trop loin pour une simple consultation amicale. Voyez avec notre secrétaire les tarifs d'un éventuel approfondissement de cette problématique.

A ce stade de notre analyse, et dans la limite de notre action bénévole, il nous apparaît que le sujet, gravement atteint, enlisé dans une régression sadique-anale très profonde à tendance schyzoïde possible, doit être protégé contre lui-même par des actions énergiques et rapides. Cette Collection pathologique apparaît comme un frein puissant à sa guérison.
Nous recommandons donc à notre Confrère Danche d'entreprendre dans les plus brefs délais une cure traditionnelle qui devrait en moins de dix ans apporter un léger mieux au sujet.

Pendant ce temps, et à titre conservatoire, il conviendra d'isoler le patient de son symptôme, cette Collection qui lui rend impossible toute existence normale et l'accès à une sexualité génitale enfin satisfaisante.

Pour être agréable à notre estimé Confrère, nous lui proposons d'accueillir gratuitement cet odieux  bric-à-brac dans notre Cabinet, où un salon d'attente assez vaste attire régulièrement chez nos cli patients cette réflexion récurrente : "Mazette, on se croirait à Versailles, mais n'est-ce pas un  peu vide ?".